La gestion des non-talents #2

Le post précédent mettait en évidence que la notion de « non-talent », volontairement provocatrice, n’a pas véritablement de sens. On peut tout au plus parler de personnes dont on n’a pas décelé de talent particulier… jusqu’à présent.

L’un des commentaires soulignait que la gestion de ces derniers est finalement plus importante que la gestion des talents elle-même car elle touche bien plus de collaborateurs.Quand un collaborateur n’est pas concerné par un programme de développement des talents, la question de savoir comment il va contribuer au mieux aux missions et activités de l’entreprise demeure. Peu d’entreprises peuvent finalement se permettre le – déplorable – luxe de « placardiser » ses collaborateurs.

On parlera alors moins de gestion des talents, la notion de talent désignant un individu, que de gestion des compétences, la notion de compétence désignant quant à elle une ressource.

En effet, quand une personne ne se distingue pas des autres par un talent ou un don particulier, elle contribue néanmoins – de façon peut-être plus anonyme – à l’action collective de l’entreprise grâce à ses compétences. Cette personne est alors une « pièce du puzzle », une « ressource humaine ». Cela n’a rien de péjoratif ! Si cette pièce manque, le puzzle n’est pas complet, elle est donc essentielle. Mais la pièce à elle toute seule ne se remarque pas forcément…

Un autre commentaire illustrait très bien ceci au travers de la notion « d’homme de l’ombre ». Derrière chaque talent se cachent des personnes qui permettent au talent en question de briller, faisant de lui une star ! Zinedine Zidane ou Michael Jordan seraient-elles devenues de si grandes stars sans tous leurs équipiers – restés pour la plupart inconnus – capables de leur passer le ballon au bon moment ou capables de stopper les défenses adverses ? U2 ou Johnny Hallyday rempliraient-ils les stades sans cette armada de techniciens chargés du son, des lumières, des décors, etc. ?

Alors qu’est-ce qui distingue le management des talents du management des « non-talents » ?

Fondamentalement, pas grand chose, puisqu’il s’agit dans les deux cas de manager des individus qui, talentueux ou non, doivent répondre au mieux de leurs possibilités aux missions qu’on leur confie ! Talent ou pas, la question de l’identification reste pertinente puisqu‘il s’agit a minima d’identifier les compétences des collaborateurs pour les positionner de façon pertinente au sein de l’entreprise.

La question du développement reste également valable puisque l’entreprise, au travers de l’action de ses managers, se doit d’aider chaque collaborateur à développer au mieux son potentiel.

L’une des différences principales réside finalement dans la nature des missions confiées et dans les possibilités des uns et des autres.

Au risque de paraitre « politiquement incorrect, on n’attend pas la même chose d’une personne dont on n’a pas décelé de don particulier. On n’attend pas du roadie, en charge de porter le matériel musical, qu’il remplisse le stade de France, c’est à Johnny de le faire. En revanche, on attend de lui qu’il amène le matériel à destination sans l’endommager. Que ferait Johnny sans micro ou avec une guitare cassée ? Peut-on dire que ce rôle n’est pas important ? Ce rôle est important, mais la vérité est qu’il pourrait être tenu par de nombreuses personnes, alors que peu de personnes peuvent remplir le stade de France.

On n’attend pas « d’exploit » de ce dernier mais au contraire une exécution rigoureuse et déterminée de sa « partition » !

Manager les personnes non identifiées comme talentueuses consiste alors à superviser le déroulement de leurs activités pour s’assurer que tout se passe correctement, c’est-à-dire conformément au plan d’action défini. Il est ici question pour le manager d’être rigoureux, organisé, méthodique. Pas question ici d’improviser, il faut au contraire expliciter et détailler au maximum le plan d’action à exécuter.

Pourquoi ces quelques lignes peuvent sembler « politiquement incorrect » ? Parce qu’il est de bon ton de faire croire à chacun qu’il peut devenir une star ! Il n’y a qu’à allumer la TV pour s’en convaincre. Seulement voilà : tout le monde ne veut pas et ne peut pas devenir une star ! Un premier rôle n’existe que parce qu’il y a des seconds rôles dans le film ! Chaque rôle est important. La question est plutôt la suivante : sommes-nous prêts à accepter de ne jamais tenir le premier rôle, ou de rester défenseur plutôt que buteur ?

Suite au prochain post 😉