Pourquoi ils gagnent ?

Le Journal du Dimanche posait hier une question intéressante concernant les champions olympiques : pourquoi ils gagnent ?

La tentation est grande de répondre simplement : c’est grâce à leur talent ! Si cela est difficilement contestable, cette première semaine montre à quel point le talent est polymorphe, et absolument indissociable de l’individu et du contexte dans lequel celui-ci évolue. Voici quelques illustrations.

Yannick Agnel, l’élitiste

Dans une récente interview, Fabrice Pellerin explique qu’il ne voit en Yannick aucune qualité particulière. Il ne serait qu’un nageur très ordinaire, n’ayant rien de spécial qui puisse le distinguer de la concurrence :  il n’est pas plus doué, pas plus musclé, pas plus organisé que les autres. Quand on observe les performances de ce nageur « ordinaire », nos réflexions sur la notion de talent sont quelque peu chahutées.

Selon son entraîneur, son plus grand talent ne réside pas dans une capacité particulière mais dans le fait qu’il est inconcevable pour lui de ne pas gagner ! C’est un élitiste qui met complètement à bas la célèbre devise de Coubertin pour qui l’essentiel est de participer. Seule la victoire intéresse Yannick Agnel !

L’interview en question est très intéressante car l’entraineur explique qu’ils ont travaillé avec acharnement pour faire de Yannick un assemblage extraordinaire de pièces mécaniques très ordinaires. Cela renvoie à l’idée souvent jugée démagogique que tout le monde a du talent, et que l’enjeu consiste pour chacun de savoir tirer le maximum de ses capacités, aussi ordinaires soient-elles. C’est l’un des enjeux clés du manager-développeur. Encore faut-il que la personne coachée ait envie d’effectuer ce travail, ce qui était le cas de Yannick Agnel.

Christophe Lemaitre, le revanchard

La question est quasiment posée dans un article du JDD de savoir s’il est autiste ou surdoué, tant sa difficulté (ou volonté) de ne pas communiquer avec l’extérieur est flagrante. Il est décrit comme quelqu’un de réservé, qui vit un peu dans sa bulle, ce qui l’a fortement pénalisé à l’adolescence, période plus propice à la frime qu’à l’introspection. Les autres élèves n’étaient visiblement pas tendre avec lui, quand l’une de ses profs le décrit comme quelqu’un d’une grande finesse et d’une grande intelligence.

Résultat des courses, ces années de mépris et cette capacité à s’isoler dans sa bulle constituent deux moteurs essentiels de son succès. D’un côté, l’article explique qu’il est quasiment en colère lorsqu’il court face à ses adversaires, et que chaque victoire sonne un peu comme une revanche. De l’autre, sa bulle lui permet de ne pas subir de pression, qu’il court face à 10 personnes ou un stade entier. Cette énergie négative canalisée sur la piste d’athlétisme et l’absence de pression font de lui un talent différent et la pépite de l’athlétisme français. On retrouve l’idée de tirer le plus grand profit possible de ce que l’on a en soi, qu’il s’agisse d’éléments positifs ou négatifs.

Teddy Riner, l’intouchable

L’article sur Teddy Riner insiste plutôt sur l’après de sa médaille d’or que sur l’avant. Mais si on revient sur les différents articles parus la semaine dernière, ils mettent tous en évidence que Teddy a une qualité rare : il ne doute pas ! Il n’a cessé de dire dans ses interviews qu’il ne voyait pas une seule raison qui puisse l’empêcher de décrocher sa médaille d’or. C’est l’oeuf et la poule : cette confiance lui permette d’affronter ses adversaires sereinement et accroit ses chances de gagner. Et le fait d’avoir tout gagné ces quatre dernières années ne font bien sûr qu’accroître sa confiance.

Quand on voyait ses adversaires monter sur le tatami, ils étaient visiblement impressionnés par Teddy, oscillant entre l’envie de réaliser un exploit et la peur d’être une « victime » de plus. Teddy est clairement dans la spirale vertueuse de celui qui domine son sport et qui dégage une telle assurance qu’il a déjà gagné avant même de monter sur le tatami. C’est en fait assez rare. Roger Federer a connu ça pendant quelques années, Michael Jordan aussi. Tous ces sportifs avaient clairement des aptitudes exceptionnelles dans leur domaine, et leur confiance inébranlable les a fait passer du statut de champion à celui d’intouchable. C’est beau à voir !

Cette analyse est bien sûr très subjective et n’attend que vos commentaires pour être enrichie. Alors à vos commentaires 😉