La technologie rend-elle autonome ou individualiste ?

Cette semaine, une amie m’a raconté son étonnante soirée Silence on danse ! De quoi s’agit-il ? Puisqu’il devient de plus en plus difficile de faire du bruit, particulièrement dans la nuit, sans que les voisins se plaignent de nuisance sonore, une entreprise d’évènementiel a eu la brillante (?) idée de remédier à cela en munissant les participants de casques audio sans fil. Faire danser les gens dans le silence, tel est le concept de « Silence on danse ». Ce concept s’étend d’ailleurs bien au-delà des frontières musicales, l’équipe proposant également d’organiser des cours de yoga, des présentations de produit, des défilés de mode, avec ces mêmes casques audio.

Cette amie me racontait qu’il y avait trois DJ qui mixaient dans la soirée à laquelle elle participait. Elle pouvait avec son casque choisir le canal musical qu’elle préférait, régler le volume, en fonction de ses goûts et envies,lui permettant ainsi de vivre une expérience sur-mesure. Mais là où l’idée du casque audio permet de réunir des gens lors d’évènements qui n’auraient pas pu avoir lieu autrement, le fait d’avoir 3 DJ renforce encore un peu plus la tendance actuelle à l’individualisme… voir à l’isolement.

Elle me racontait d’ailleurs que lorsque quelqu’un voulait l’aborder, il lui tapait timidement sur l’épaule, elle retirait son casque et se voyait poser systématiquement la question : Tu es sur quel canal ?. Belle métaphore :). Est-ce la suite logique des dîners où certains passent plus de temps avec leur smartphone qu’avec leurs hôtes ? Un récent épisode de How I Met Your Mother montrait d’ailleurs comment les cinq larrons jouaient en silence avec leur smartphones pour obtenir des réponses aux questions qui généraient avant Internet tant de débats et d’agitation. Une fiction bien sûr, mais plutôt bien vu.

Pourtant, ce sont ces mêmes évolutions technologiques (smartphones, wifi, haut-débit, …) qui supportent les évolutions sociales ou 2.0 prônant la collaboration, le partage, la conversation, l’échange, etc. Est-on en train d’observer un glissement de la notion d’autonomie, celle que nous autorisent ces évolutions quant au fait de pouvoir nous adonner librement à nos activités préférées et passions (musique, photo, écriture, …) sans l’autorisation de qui que ce soit, vers la notion d’individualisme ? D’un côté, les opportunités de rencontres n’ont jamais été aussi nombreuses grâce à Internet. De l’autre, le nombre de célibataires a plus que doublé en France en trente ans…. Comment expliquer ces mouvements contraires ? 

Si l’on observe l’entreprise, le phénomène du BYOD (Bring Your Own Device) est intéressant. D’un côté, il répond à une évolution des conditions de travail qui voit de plus en plus de collaborateurs travailler un peu tout le temps, un peu de partout, et donc avec leur équipement personnel (smartphone, ordinateur, tablette tactile). De l’autre, il ne fait que renforcer le niveau d’exigence de chacun quant à ce que l’entreprise peut lui proposer. En effet, chacun verra d’un mauvais oeil de se voir proposer un ordinateur portable de 3,2 kg datant de 2004 quand il utilise la tablette tactile dernier cri pour travailler de chez lui. Là encore, les technos actuelles favorisent l’autonomie, mais tendent à renforcer l’individualisme puisque les habitudes de chacun priment sur l’homogénéité du matériel proposé au collectif.

Alors bien sûr, ces réflexions peuvent sembler quelque peu triviales, chacune d’elles amenant son lot d’arguments et de contre-arguments. Mais la question de l’influence des technologies sur nos schèmes cognitifs et comportementaux reste entière, et risque de nourrir de nombreuses thèses dans les années à venir. Un avis sur la question ?