Se faire virer à cause de Facebook, mythe ou réalité ?

Une amie avocate m’a récemment fait suivre un arrêt de la cour d’appel de Pau, provenant de l’une des nombreuses banques de données juridiques auxquelles elle est inscrite. En résumé : « De trop nombreuses connexions à Facebook justifient le licenciement ».

La Cour de cassation a déjà jugé à plusieurs reprises que le salarié qui néglige son travail pour se connecter sur internet à des sites extraprofessionnels manque à ses obligations et encourt un licenciement (Cass. soc. 18 mars 2009 n° 07-44.247 : NB-I-73280). L’arrêt de la cour d’appel de Pau s’inscrit dans cette jurisprudence mais se focalise davantage sur les connexions à la page Facebook du salarié licencié dont il est ici question. La cour d’appel a admis la validité du licenciement, considérant que ces consultations n’avaient aucun rapport avec le travail de la personne, mais que la faute n’était pas suffisamment grave pour justifier une rupture immédiate du contrat de travail.

Bien entendu, il ne faut pas tomber dans le sensationnalisme…. Ce type de situation se produit rarement et adresse des cas extrêmes, c’est-à-dire des personnes dont la majeure partie du temps de travail est consacrée à de la navigation « loisir » sur le Web. Il est néanmoins intéressant de noter au passage que l’employeur a le droit de librement contrôler les connexions internet de ses salariés durant leur temps de travail, du fait qu’elles soient présumées à caractère professionnel (Cass. soc. 9 juillet 2008 n° 06-45.800 ; Cass. soc. 9 février 2010 n° 08-45.253: RJS 5/10 n° 399 : N-VIII-7440 s.). Et cela dans le seul but de savoir s’ils travaillent bien entendu….

Ce qui renvoie à un certain nombre de questions :

  • Que signifie « travailler » au juste ? Comment sait-on que quelqu’un travaille ? Passer des heures en réunion à penser à autre chose ou regarder ses mails pendant que les autres parlent est-il un bon indicateur ?
  • Doit-on mesurer le travail selon un critère de quantité ou de qualité ? Autrement dit, lorsque les objectifs d’une personne sont atteints, doit-on se soucier de la répartition de son temps de travail ?
  • Et quelqu’un qui passe ses journées sur FB a-t-il des chances d’atteindre ses objectifs ? La non atteinte des objectifs n’est-elle pas une raison plus pertinente de licenciement que la navigation Web trop poussée ?
  • Les flâneries digitales sont-elles vraiment pires que les heures passées à la machine à café, à fumer, à jouer au Solitaire ou encore à tchater de sa soirée d’hier avec des collègues sur le réseau social interne… ?
  • Ne pénalise-t-on pas finalement ceux qui n’ont pas compris que surfer des heures sur son smartphone ou sur sa tablette était moins risqué ?
  • Et quid des heures que l’on passe à travailler hors du bureau ? Après tout, pourquoi s’effaroucher du temps de loisir passé au bureau et ignorer les heures de travail empiétant sur les plages de loisir (soir, we, vacances, …) ? Si l’on est réprimandé pour s’amuser au travail, peut-être devrait-on être récompensé pour travailler à la maison ? 😉

Au-delà de ces quelques questions, pour certaines un peu triviales, lorsqu’on lit des articles sur l’évolution du travail dans 60 ans mettant en évidence que le réseau relationnel d’une personne aura bientôt plus d’importance que ses diplômes, on se demande si passer du temps sur Facebook est si néfaste que ça… Bien sûr, cela doit être appréhendé à la lueur de son secteur d’activité et de sa fonction. A titre personnel, j’ai beaucoup de contacts professionnels sur FB, quand d’autres souhaitent n’avoir que des contacts amicaux… Mais je pense définitivement que le Droit du travail actuel (et je sais que Laurent Choain ne me contredira pas 😉 n’est plus adapté à notre environnement (social, technologique, économique, …), nos attentes et les us-et-coutumes de notre société.

Qu’en pensez-vous ? 😉