Une expérience de travail positive : mission impossible ?

Allez, soyez honnêtes : sur les trois dernières semaines, combien de fois êtes-vous allés au travail en traînant des pieds ? Car même si l’on aime ce que l’on fait et que l’on travaille dans une boîte sympa (pour les plus chanceux d’entre nous), ce sentiment de « devoir y aller » existe.

L’un des enjeux clés des entreprises aujourd’hui, à l’heure où l’on nous harcèle littéralement avec les notions de bonheur au travail, de bien-être, de motivation et d’engagement, est de réinventer l’expérience de travail proposée ! Et pas seulement aux collaborateurs de l’entreprise et aux candidats, mais à toute la communauté professionnelle avec laquelle on interagit quotidiennement.

Mais de quoi parle-t-on exactement lorsque l’on parle d’expérience de travail ? Uniquement et simplement de redonner envie à ceux qui traînent des pieds en allant travailler. Sans parler de réenchantement ou même de désir, parler a minima de redonner du sens et de la perspective aux travailleurs que nous sommes, de redonner une chance à tous de faire du travail un facteur d’accomplissement plutôt qu’un objet de souffrance.

Voici quelques clés assez simples à actionner.

Le mirage du baby-foot

L’office management ou la gestion des bureaux est devenu l’un des sujets préférés des RH depuis quelques mois. Parce que bien évidemment tout le monde comprend que des bureaux sympas, ça donne déjà davantage envie que des locaux d’un autre temps…. Néanmoins, attention aux mirages. Ce n’est pas parce que l’on a installé un baby-foot ou une table de ping-pong que l’on est immédiatement cette start-up dans laquelle il fait bon vivre.

Une expérience de travail positive : mission impossible ?

L’expérience de travail repose sur une organisation, des processus de décision, des outils mis à disposition, et (surtout ?) une culture ! Et s’il est un domaine dans lequel on ne peut tricher, c’est bien celui de l’expérience de travail. La concevoir, c’est une chose. L’assumer, c’en est encore une autre.

Si vous souhaitez par exemple mettre en place l’une de ces célèbres organisations plates, instaurer une culture de la transparence, des rapports directs et francs, il faut accepter d’entendre « vos 4 vérités » sur votre dernière prise de parole en public ou votre dernière trouvaille organisationnelle. En tant que dirigeant, manager ou top-manager, nul doute que cela demande de reformater quelque peu son logiciel cognitif…

Des changements s’imposent

Réfléchissez à la façon dont vous prenez vos décisions. Pour proposer à ses collaborateurs une expérience de travail positive, il faut probablement cesser de décider de tout, tout le temps, et leur laisser un peu plus d’autonomie dans les décisions. Pour revenir sur le sujet des bureaux, est-il raisonnable de laisser les dirigeants aux commandes sur des sujets d’aménagement, les laisser décider de la décoration, de l’organisation du travail, les laisser dépenser des (centaines de) milliers d’euros, et ce pour le supposé bien-être de leurs collaborateurs ?

Ne serait-il pas plus pertinent, plus simple, et sûrement moins coûteux, de demander directement aux personnes concernées, à savoir les collaborateurs ? Seulement voilà, comment s’assurer « qu’ils ne vont pas faire n’importe quoi » ? Telle est la première réflexion qui vient à l’esprit d’un manager ou dirigeant ayant évolué quelques années en entreprise et ayant été formaté par une école prônant hiérarchie et compétition.

Si je me sers du récent déménagement de mon entreprise comme simple illustration, passée cette envie de décider de tout et cette peur provoquée par le lâcher-prise, nous avons confiés le projet d’aménagement des locaux à une quinzaine de collaborateurs alors devenus ambassadeurs. Ils ont pu réfléchir aux situations de travail collectives, individuelles ainsi qu’à l’organisation des espaces de détente.

Plutôt que d’imposer un contrôle qui aurait cassé le projet même visant à les laisser organiser leur environnement de travail, nous avons instauré un dialogue, une conversation continue entre ces ambassadeurs, les autres collaborateurs de l’entreprise, les managers et quelques dirigeants. Plutôt que d’organiser des étapes de validation nous avons mis en place des séances de brainstorming, donnant à chacun l’opportunité de s’exprimer, quel que soit ses « galons ». Le résultat ? Des locaux dans lesquels tout le monde se sent bien !

Si cela fonctionne pour des locaux, pourquoi est-ce que cela ne fonctionnerait pas pour tous les projets, quelle que soit leur envergure ?

À quoi sert le travail ?

L’organisation de ce déménagement nous a rappelé une chose très simple, maintes fois évoquée par le sociologue Michael Dandrieux : le travail, au-delà de son utilité financière, a surtout une utilité sociale !

Travailler nous permet d’entrer en relation avec les autres, de rencontrer des gens, d’échanger. D’ailleurs, il suffit de se rappeler que retrouver ses potes était l’une des principales raisons – si ce n’est LA raison – pour lesquelles nous étions contents d’aller à l’école. Cela n’est très pas différent quelques années plus tard….

Une expérience de travail positive : mission impossible ?

Si cela est vrai, alors il faut penser à l’expérience de travail comme une formidable opportunité de se réunir, de vivre ensemble, de collaborer. Et cesser de dépenser des fortunes à permettre à chacun de s’isoler. Pour ça, rien de mieux que de rester chez soi, pour peu que l’employeur ait compris l’intérêt du télétravail. Ou bien aller s’isoler au café d’à côté. Aujourd’hui, le travail est sans frontière ! Autant en profiter.

N’oublions pas non plus que provoquer des rencontres fortuites, inédites, de gens qui ne sont à la base pas destinés à travailler ensemble, est l’une des principales sources d’innovation (cf. l’excellent ouvrage The Rainforest à ce sujet). Alors favorisez la collaboration et les rencontres, et vive la sérendipité !

Ce qui fonctionne chez soi, fonctionne au travail

Pourquoi passe-t-on tellement de temps à décorer son chez-soi ? Parce que l’on veut s’y sentir bien. Sachant que l’on passe plus de temps au bureau que chez soi, rendre les bureaux agréables n’a-t-il pas du sens ? Nos ambassadeurs ont donc préféré renommer les traditionnelles « Salle 423 » des salles de réunion en « Star Wars », « Jurrasic Park », « Pac-man », …. Pourquoi ? Simplement parce que c’est plus amusant de se donner rendez-vous en Star wars et de voir un immense Darth Vador trôner sur la table. Non cela ne change pas l’expérience de travail du tout au tout. Mais cela témoigne aussi d’une volonté de ne pas se prendre trop au sérieux, même si l’on doit traiter de sujets très sérieux.

De la même façon, nous préférons tous travailler avachis sur notre canapé, dans une tenue confortable, que sur une chaise inconfortable en bleu de travail. Pourquoi ne pas le permettre à nos chers collaborateurs ? Risquent-ils de s’endormir ? Peut-être…. Mais vaut-il mieux qu’ils simulent une intense concentration devant leur écran entre 14h et 14h30 en étant pleinement improductif (et frustré) ? Finalement, une expérience de travail doit se rapprocher de la vraie vie. 

Cela s’impose d’autant plus dans une période où la corrélation entre bien-être personnel et efficacité professionnelle n’est plus à démontrer. Alors plutôt que de vouloir à tout prix forcer le bien-être, laissez-le survenir en permettant aux gens d’être eux-mêmes.

Une question de confiance ?

Seulement voilà, confier des gros budgets aux collaborateurs sans contrôle abusif, les laisser travailler de n’importe où, n’importe quand, les laisser faire la sieste après le repas, tout cela nécessite un élément indispensable : de la confiance !

Si l’on veut bien y réfléchir une seconde, quel collaborateur serait assez fou pour passer l’après-midi à dormir pendant que les autres travaillent ? Ou déciderait de remplacer les bureaux par des hamacs ? La majorité des collaborateurs, qui sont de vrais gens, ne veulent pas abuser de la confiance qui leur est laissée. Ils veulent au contraire la faire fructifier en faisant ce qu’ils pensent être le mieux pour l’entreprise. Tout l’enjeu consiste à leur donner suffisamment d’éléments d’information, de contexte, et à les accompagner (non, toujours pas contrôler), pour leur permettre d’exprimer pleinement leur talent !