Ma RH à moi : 7 ans plus tard ! Par Céline Lappas

En 2011, alors que je travaillais pour le Groupe Danone, Alex m’avait interrogé sur ma vision des RH, ce qui avait donné l’article « Ma RH à moi » publié sur ce blog. Nous voilà sept ans plus tard… Je travaille depuis maintenant trois ans pour la Maison Christian Dior Couture et je me suis dit que cela pourrait être amusant de vous donner ma vision des RH version 2018 car je pense que pas mal de choses ont forcément évolué !

Génération bullshit job ?

Il y a sept ans, c’était le collectif Génération Précaire qui faisait trembler les services RH. Il fallait faire face à la vague de mécontentement de tous les stagiaires sur-diplômés partis en quête de l’inaccessible CDI dans un monde économique en crise.

Aujourd’hui, en tant que Responsable RH, je suis davantage confrontée à la Révolte des premiers de la classe : toute une génération de trentenaires (pour la plus grande majorité), qui en ont marre de leurs bullshit job et qui veulent s’investir dans des projets qui pour eux ont du sens, en étant prêts à quitter ce fameux CDI qu’ils avaient tant convoité quelques années auparavant.

Et voilà mon nouveau défi : comment réussir à (ré)engager les salariés dans leur travail ? Comment donner du sens à ce que l’on fait dans des entreprises pensées et organisées pour le 20ème siècle, celui de l’ère industrielle et de la division des tâches, et non pas pensées pour le 21ième siècle, celui de l’ère de la technologie, de l’ouverture et de la collaboration ? Bref, comment retrouver du collectif au sens noble du terme c’est-à-dire travailler les uns avec les autres et non plus les uns à côté des autres… ?

Gagner la confiance des collaborateurs pour mieux les guider ?

Ce défi pour les RH de réussir à (ré)engager les salariés dans leur travail et remettre le collectif au cœur de l’entreprise est pour moi très important et m’a amenée, ces dernières années, à me poser la question du rôle réel et du pouvoir d’influence de la fonction RH dans l’entreprise.

Est-ce à moi, en tant que Responsable RH de tout révolutionner et de renverser la table ? Je ne pense pas. Mais c’est à moi d’impulser le changement et de faire naître la première étincelle…A moi de donner aux salariés et aux managers l’envie d’avoir envie…de changer !

Comment réussir cela ? Grâce à la confiance que les équipes vont m’accorder. Notion extrêmement importante que je n’avais pourtant pas abordée il y a sept ans mais que je ne cesse d’expérimenter depuis ces dernières années. J’étais arrivée dans l’entreprise au début de ma carrière professionnelle peut être un peu trop naïvement avec de belles théories et idées pour améliorer rapidement les méthodes de travail et le fonctionnement des organisations. Or j’ai vite appris que le changement ne se décrète pas mais qu’il s’accompagne et qu’on ne suit surtout pas un guide si l’on n’a pas confiance en lui !

Gagner tout d’abord la confiance des salariés et managers avec qui je travaille, voilà ce qui concentre toute mon attention à chaque fois que j’ai un nouveau poste ou de nouvelles responsabilités. Cela prend du temps, mais ma persévérance et ma patience sont largement récompensées quand les équipes me font comprendre que je ne travaille plus pour elles mais avec elles. Et ainsi que la fonction RH n’est plus à leurs yeux une fonction isolée dans l’entreprise, une boite noire un peu obscure mais un vrai partenaire de jeu sur lequel ils peuvent compter et s’appuyer. Leurs problèmes deviennent nos problèmes et leurs réussites deviennent nos réussites…

Transformer l’entreprise en un espace de collaboration ?

Une fois leur confiance gagnée, salariés et managers sont-ils finalement prêts à se laisser guider par leur RH sur la route du changement ?

Pour une grande partie, la réponse est oui. Il s’agit de ceux qui ne se reconnaissent plus dans le fonctionnement parfois trop archaïque de l’entreprise. Dans ce cas, rien de bien difficile. J’ai un terrain de jeu favorable, à moi d’être à l’écoute des attentes des collaborateurs afin d’apporter des idées innovantes que nous pourrons mettre en place ensemble.

Mais cela se complique avec une autre catégorie de collaborateurs, ceux à qui le changement fait peur et qui ne sont pas forcément prêts à voir l’organisation du travail, telle qu’ils l’ont toujours connue, être bouleversée. Tout le monde n’est pas forcément préparé et armé pour évoluer dans des environnements, comme celui de l’entreprise libérée par exemple, qui encouragent les salariés à prendre des initiatives individuelles au lieu de leur imposer des directives et tâches précises. Sans parler des managers qui risquent de voir leur rôle et surtout leur « pouvoir » disparaitre. Et l’entreprise libérée est un cas extrême. Je pourrais vous parler de nombreuses situations face auxquelles, en tant que RH, j’ai beaucoup ramé alors qu’à priori le changement était presque anodin.

Finalement, mon défi est certes d’impulser la transformation de l’entreprise bureaucratique en un espace de collaboration, de co-développement et de co-construction, où chacun pourra vraiment trouver du sens à ce qu’il fait mais sans pour autant laisser au bord de la route les collaborateurs beaucoup moins enclins, voire hostiles, au changement. Je n’ai pas encore de solution miracle. Mais être déjà conscient que tous n’ont pas les mêmes attentes, envies et réactions face au changement est indispensable pour avancer dans le bon sens.

Du RH architecte au RH explorateur ?

Le RH est donc pour moi un guide sur la route du changement. Mais, pour être capable de guider les collaborateurs sur de nouvelles routes, encore faut-il déjà les avoir explorées ! C’est pour cette raison qu’il me semble indispensable d’être connectée à ce qu’il se passe à l’extérieur de mon entreprise.

J’expliquais, il y a sept ans, que je me voyais aussi comme un architecte qui prépare les plans, les fondations, à partir desquels ce sont ensuite les responsables d’équipes qui construisent dans la durée une « great place to grow ». Cette idée est toujours vraie. Mais cela suffit-il vraiment d’être un bon architecte ?

On sait que les grands bouleversements viennent rarement de l’intérieur, et que c’est le plus souvent une tempête qui fait chavirer un navire plutôt qu’une défaillance technique ou une révolte de l’équipage !

Donc, si en tant qu’architecte j’ai conçu un navire solide, pour que celui-ci ne chavire pas à cause d’une tempête il faut que je sois capable prédire les évolutions météorologiques, c’est-à-dire tous les phénomènes extérieurs qui vont impacter la façon dont le bateau va se comporter et ainsi comment devra réagir l’équipage. Me voilà architecte, météorologue et guide !

Mais, en allant plus loin dans mon raisonnement, j’ajouterai qu’il faut d’abord être un bon explorateur pour ensuite devenir un bon guide ! Et que prédire le changement en tant que météorologue ne permet pas forcément de le gérer. Car le météorologue prédit les tempêtes mais ensuite il les subit. L’explorateur quant à lui est proactif et va à la rencontre du changement et de la nouveauté !

Pour moi, c’est donc un étant avant tout un explorateur curieux, qui a envie de découvrir de nouveaux territoires extérieurs à l’entreprise, qu’un Responsable RH sera capable d’apprendre, d’intégrer la nouveauté, pour ensuite accompagner au mieux le changement en interne en osant parfois bousculer certains codes. Et c’est vraiment aujourd’hui de cette de façon que je pense pouvoir apporter une vraie valeur ajoutée pour l’entreprise.

Beaucoup de choses ont donc évolué en sept ans, y compris ma vision des RH ! Parfois architecte, météorologue, ou encore guide et explorateur, le rôle des Ressources Humaines dans l’entreprise reste pour moi passionnant et mon métier est encore loin d’être un bullshit job à mes yeux.

Et je sais qu’il va continuer à évoluer et à se transformer avec l’entreprise et la société. Nous ferons donc peut-être à nouveau le point sur ce blog dans sept ans, rendez-vous en 2025 😉